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Salon du Bourget

Le vrai prix des avions Airbus et Boeing

D’après les calculs exclusifs de Challenges, les réductions consenties aux compagnies aériennes et aux loueurs s’échelonnent de 47 à 62 %.

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Méthodologie : Challenges  a comparé les prix catalogues publiés par les avionneurs pour chaque appareil, et le prix « réel » facturé aux clients, estimé par le cabinet Flight Ascend Consultancy.

Méthodologie : Challenges a comparé les prix catalogues publiés par les avionneurs pour chaque appareil, et le prix « réel » facturé aux clients, estimé par le cabinet Flight Ascend Consultancy.

SOURCES : CONSTRUCTEURS, FLIGHT ASCEND CONSULTANCY, CHALLENGES.

C’est l’un des secrets les mieux gardés de l’industrie aéronautique. Le genre d’informations réservé à quelques initiés au sein des comités exécutifs des avionneurs. Derrière une transparence de façade - des tarifs catalogue réévalués chaque année -, le véritable prix des avions Airbus et Boeing relève bel et bien du secret industriel. D’abord parce que chaque avionneur répugne à donner des indications à ses concurrents. Ensuite, et surtout, parce que les véritables prix n’ont rien à voir avec ceux publiés dans les communiqués triomphants des avionneurs. « Ces prix catalogue sont farfelus, personne ne va les payer », confirme Michel Merluzeau, analyste à AirInsight Research. Le supervendeur d’Airbus John Leahy, à qui on demandait s’il avait déjà vendu un avion au prix annoncé, se fendait d’un sourire le 9 juin : « Une fois. C’était un avion corporate. » On plaint le malheureux client.

Vente stratégique, gros rabais

A quel prix les avions sont-ils vraiment vendus ? Les calculs exclusifs de Challenges, effectués avec le cabinet Flight Ascend Consultancy, sont éloquents. Les réductions consenties aux compagnies et loueurs s’échelonnent de 47,5 à 62,7 %, selon les modèles. Un monocouloir 737 MAX 8 coûte ainsi en moyenne 51 millions de dollars, contre 112,4 millions annoncés, soit une réduction de 54,3 %. Un A320neo ressort à 49,2 millions de dollars, contre 108,4 millions au prix catalogue. En gros, il faut diviser le prix publié par deux pour avoir une idée du prix réel.

Côté long-courriers, c’est la même histoire : le 787-9 se négocie à 141,9 millions de dollars, loin des 270,4 millions évoqués par Boeing. L’A350-1000 est aussi discounté de 50 %, à 179,6 millions de dollars. Les plus gros rabais concernent des avions de conception ancienne, comme les A330 (jusqu’à - 62,7 %), ou des appareils au succès commercial limité, comme le 747-8 (- 60 %). Etonnamment, l’A 380 ne pâtit pas autant de son manque de commandes qu’on aurait pu l’imaginer : avec 229,4 millions de prix estimé, il n’affiche « que » 47,5 % de discount.

Ce niveau de réductions est confirmé par les rares indications de prix réels dont on trouve la trace en fouinant dans les tréfonds des publications financières. Dans son rapport 2016, le groupe Amedeo, qui loue des A 380 à Emirates, indique ainsi avoir acheté six A 380 pour 1,627 milliard de dollars. Soit un prix unitaire de 271 millions de dollars, négocié donc avec un rabais limité de 38 %. Doric Nimrod Air, un autre loueur, a obtenu les siens à 245 millions de dollars pièce, selon son rapport 2013. Quant à la compagnie israélienne El Al, elle a négocié ses 9 long-courriers 787 à 1,25 milliard de dollars en 2015, soit un discount de 44 %.

La règle est simple : plus la commande est stratégique, plus le prix sera agressif. Pour décrocher une commande de 260 A320neo auprès d’American Airlines, chasse gardée de Boeing, Airbus avait ainsi proposé en 2011 des appareils entre 30 et 40 millions de dollars pièce, selon les calculs de Wells Fargo, soit un tiers du prix catalogue. Boeing ne répugne pas non plus à offrir des soldes massifs : la low cost américaine Southwest a obtenu ses 737 MAX à 34,7 millions de dollars pièce, toujours selon Wells Fargo, soit près de 64 % de réduction.

Du jamais-vu avec Bombardier

Les concurrents qui tentent de dézinguer le duopole Airbus-Boeing semblent aussi avoir contracté le virus. Pour signer, en avril 2016, une commande déterminante avec Delta (75 CSeries CS100 et 50 en option), le canadien Bombardier aurait cassé les prix à des niveaux jamais vus. Boeing, concurrent éconduit, a déposé plainte le 27 avril. « Bombardier s’est embarqué dans une campagne agressive pour vendre ses avions CSeries sur le marché américain à des prix ridiculement bas - moins de 20 millions de dollars pour des appareils qui coûtent 33 millions à produire », dénonçait le constructeur américain. Le prix catalogue du CS100 étant de 79,5 millions de dollars, le discount offert serait de 75 %…

Les chiffres évoqués par les avionneurs lors du Salon du Bourget relèveront donc, comme à chaque édition, du pur folklore aéronautique. Faut-il pour autant supprimer les prix catalogue ? « Ils ont autant de sens que ceux des voitures, il faut bien commencer la négociation quelque part », pointe Scott Hamilton, analyste au cabinet Leeham. Ces tarifs officiels ont aussi un avantage indéniable. Vu leur niveau délirant et les discounts pratiqués, les clients auront toujours l’impression de faire une bonne affaire…

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