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COVID-19 et médicaments : « Une possibilité très réelle de pénurie »

Alors que la bataille contre la COVID-19 ne fait que commencer, la rareté de médicaments essentiels rend le système de santé canadien encore plus vulnérable.

Une seringue, un stéthoscope et des médicaments.

La morphine, les sédatifs et le curare font partie des produits très utilisés pour aider les malades de la COVID-19 aux soins intensifs.

Photo : Getty Images / vchal

Pendant que les malades aux soins intensifs se battent pour respirer, un des médicaments qui leur vient en aide est le salbutamol, bien connu sous son nom de marque Ventolin. Mais pour combien de temps?

Depuis le 18 mars, le produit est officiellement classé au Canada dans la catégorie pénurie réelle. Le salbutamol, c’est ce qu’on retrouve dans la pompe bleue utilisée par les asthmatiques. Son fabricant, la pharmaceutique Apotex, prévoit une allocation de quantités très limitées jusqu’en juin.

Vulnérables face au coronavirus, ses utilisateurs ont fait des réserves. Deuxième élément qui complique l’approvisionnement : l’utilisation accrue de cet inhalateur dans les hôpitaux pour les patients qui souffrent de la COVID-19.

Aujourd'hui, c'est du salbutamol, demain ça va être autre chose, prévient l’experte en pharmaceutique Kelly Grindrod, professeure à l’Université de Waterloo. Nous avions déjà des pénuries de médicaments au Canada, dit-elle, et maintenant la COVID-19 semble les amplifier, les aggraver.

Rationnement du propofol

Le propofol est un anesthésique.

Le propofol est un anesthésique qui sert entre autres à relâcher les muscles des patients pendant l'intubation.

Photo : iStock / digicomphoto

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Une représentation du coronavirus.

D’autres médicaments administrés aux patients placés sous respirateur se font déjà rares.

Plus tôt cette semaine, neuf grands hôpitaux européens ont lancé un appel à l’aide à leur gouvernement. Ils seront bientôt à court de morphine, de sédatifs et d'anesthésiques, comme le curare et le propofol.

Ceux-ci sont nécessaires pour relâcher les muscles des patients lors de l’intubation, pour endormir les malades ou pour soulager leur douleur et éviter des étouffements.

Le Canada pourra difficilement échapper à ce problème. Alors que la bataille contre le coronavirus ne fait que commencer, la rareté de médicaments essentiels rend le système de santé encore plus vulnérable. La pénurie de médicaments à laquelle fait déjà face le pays pourrait s’aggraver avec l’afflux massif de patients.

Des travailleurs de la santé en tenue de protection font entrer un patient dans un hôpital.

Des travailleurs de la santé en tenue de protection font entrer un patient en soins intensifs dans le nouvel hôpital temporaire Columbus Covid 2 le 16 mars 2020, à Rome.

Photo : Getty Images / ANDREAS SOLARO

La Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux (SCPH) confirme le défi colossal auquel ses membres et les hôpitaux du pays sont déjà confrontés.

Il y a une possibilité très réelle de pénurie avec certains des médicaments qui sont utilisés sur des patients sous respirateur.

Une citation de Christina Adams, pharmacienne en chef de la SCPH

Christina Adams, pharmacienne en chef de la SCPH, fait allusion notamment au propofol. Ce ne sera pas facile de trouver plus d’approvisionnement, car les autres pays ont aussi besoin de ce médicament, dit-elle.

Des hôpitaux canadiens ont déjà commencé à rationner cet anesthésique. Par exemple, on cherche à limiter son utilisation et à le remplacer, si possible, par d’autres médicaments lors de certaines procédures qui ne sont pas liées au traitement de la COVID-19.

Tout le monde cherche des solutions. Nous sommes en contact permanent avec Santé Canada, explique Christina Adams.

Un respirateur dans une unité de soins intensifs, en Allemagne.

Les patients placés sous respirateur ont besoin de médicaments particuliers.

Photo : Reuters

Dans le cas de certains médicaments, comme le propofol, une réalité vient s’ajouter à la complexité, car il peut s’écouler de 5 à 6 mois à partir du moment où la commande est passée jusqu’à ce qu’elle arrive sur le marché, poursuit Mme Adams.

Elle estime qu’à défaut d’un aplatissement de la courbe, le vrai test viendra entre le début du mois de mai et la mi-mai.

Au Québec, la Fédération des médecins spécialistes est préoccupée. Elle soutient qu’en plus du propofol, le rocuronium (un autre anesthésique), ainsi que le versed (un sédatif pour calmer la douleur) risquent également d’être en rupture de stock.

Les pharmaceutiques se mobilisent

Logo de Pharmascience sur un immeuble.

Pharmascience est le plus grand employeur du secteur pharmaceutique au Québec, avec plus de 1500 employés.

Photo : Radio-Canada

Les fabricants et fournisseurs canadiens de médicaments à qui nous avons parlé se font rassurants pour le court terme, mais restent sur leurs gardes pour la suite, car la demande est en forte croissance.

Depuis deux semaines, on a vu les hôpitaux changer leurs habitudes d’achats et de consommation, explique le PDG de Sandoz, Michel Robidoux, qui fabrique plusieurs des médicaments stratégiques pour les patients aux soins intensifs à cause de la COVID-19.

Tous les hôpitaux nous ont demandé d’acheter immédiatement deux mois d’inventaire habituel, plutôt que quelques jours, raconte-t-il.

Par prévention, la compagnie a augmenté la cadence de production à son usine de Boucherville.

Si on peut aplatir la fameuse courbe de contamination, ça va nous donner du temps pour fabriquer ces produits.

Une citation de Michel Robidoux, PDG de la pharmaceutique Sandoz

De son côté, Pharmascience prévoit d'augmenter ses approvisionnements de matière première pour faire face à la hausse de la demande. L’entreprise fabrique, entre autres, au Québec la fameuse colchicine, présentée comme un possible traitement contre la maladie.

Son PDG, Jean-Guy Goulet, exhorte les hôpitaux à ne pas faire de réserves exagérées de médicaments, ce qui aggrave les risques de pénuries.

Le réseau de la santé qui stocke des produits, c’est un peu comme les gens avec le papier toilette : il faut faire attention aux comportements compulsifs.

Une citation de Jean Guy, Goulet, PDG de Pharmascience

Quant à Pfizer Canada, l’entreprise a dressé une liste des médicaments les plus pertinents dans la situation actuelle. La pharmaceutique prévoit d'adapter les plans de fabrication afin de pouvoir répondre à une augmentation de la demande et d’assurer des stocks de sécurité.

De son côté, Merck Canada se tient prêt à une action rapide dans le cas d’une perturbation.

Santé Canada demande d'être raisonnable

Des comprimés répandus sur un plateau dans une pharmacie.

Le reportage de Jean-Philippe Robillard

Photo : Associated Press

Santé Canada est en contact régulier avec les fabricants pour s’assurer du niveau de leurs stocks. Le ministère s'inquiète particulièrement des risques de pénuries si des patients font de trop grandes réserves ou bien si les professionnels de la santé en prescrivent trop.

Dans un communiqué émis cette semaine, le ministère écrit qu'il prendra toutes les mesures nécessaires en collaboration avec les entreprises, les provinces et les territoires, les professionnels de la santé et ses partenaires internationaux en matière de réglementation afin d'assurer un approvisionnement continu des médicaments nécessaires aux Canadiens.

C'est vraiment désordonné

Difficile d’y voir clair, soutient la professeure Kelly Grindrod, de l'école de pharmacie de l'Université de Waterloo. C’est vraiment désordonné et ça risque de l’être encore davantage, déplore-t-elle.

L’experte suit de près l'approvisionnement en médicaments au Canada. Elle considère que le pays était déjà aux prises avec l'une des pires pénuries de médicaments de son histoire moderne.

Sur les quelques 7000 médicaments sur ordonnance au Canada, plus de 1900 étaient déjà en pénurie avant l’arrivée de la COVID-19.

Kelly Grindrod insiste pour dire qu’au Canada, c’est tout le système qui manque de transparence.

Il est déjà difficile en temps normal de planifier. L’information est vague, il est même difficile de savoir où les médicaments sont fabriqués et où ils aboutissent. C’est pratiquement impossible de prévoir une pénurie à l’avance. Imaginez dans le contexte actuel, déplore l'experte.

Pour elle, le pays risque maintenant de vivre les conséquences concrètes de ce qui a été négligé depuis des années.

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