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Municipales en Turquie: Istanbul, un objectif primordial pour l'opposition et le pouvoir

Réélu en 2023, le président Erdogan espère parachever sa victoire en s'emparant des grandes villes, en particulier Istanbul lors des municipales de ce dimanche 31 mars. Il y a cinq ans, la mégapole aux 16 millions d'habitants était passée à l'opposition. 

Une vue d'Istanbul en 2020.
Une vue d'Istanbul en 2020. © Emrah Gurel / AP
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Toutes les villes, arrondissements et villages du pays élisent aujourd'hui leur maire, mais c'est vers Istanbul que les regards sont tournés. Tout d'abord pour des raisons démographiques évidentes : Istanbul compte 16 millions d'habitants, ce qui veut dire qu'environ un Turc sur cinq y vit. Même si ce n'est pas la capitale de la Turquie, c'est sa vitrine mondiale et son poumon économique, puisqu'elle concentre un tiers du PIB national, pointe notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer.

Or cette municipalité – et c'est surtout pour cela que tout le monde regarde vers Istanbul – est sous le contrôle depuis cinq ans du principal parti d'opposition, le CHP. Le président Erdogan et son parti, l'AKP, l'avaient perdue en 2019. Et leur objectif principal, c'est de reconquérir Istanbul. Comme candidat, Recep Tayyip Erdogan a désigné un ancien ministre, Murat Kurum, qui n'a pas brillé par son charisme pendant la campagne, mais qui a bénéficié d'avantages non négligeables : une couverture médiatique massive et quasi-exclusive, car 90% des médias turcs sont sous le contrôle du pouvoir, et la présence à ses côtés de Recep Tayyip Erdogan, qui a fait campagne avec lui, envoyant aux électeurs un message clair : voter Murat Kurum, c'est voter Tayyip Erdogan.

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Face à eux, le maire sortant Ekrem Imamoglu brigue un deuxième mandat. Si les électeurs de son parti, le CHP, sont les seuls à voter pour lui, Ekrem Imamoglu ne sera sans doute pas réélu et le pouvoir reprendra le contrôle d'Istanbul. Mais si les électeurs d'autres partis d'opposition – en particulier ceux du parti pro-kurde DEM et du parti ultranationaliste Iyi – font le choix stratégique de soutenir le maire sortant pour faire perdre à nouveau Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, alors Ekrem Imamoglu sera réélu. Le sort d'Istanbul dépend donc de la capacité ou non de l'opposition turque à surmonter ses divisions pour mettre en échec le pouvoir, alors que contrairement à 2019, Ekrem Imamoglu n'est pas soutenu cette année par une large alliance d'opposition.

Un horizon présidentiel qui se dégage en cas de victoire

Cependant, pour le maire actuel Ekrem Imamoglu, candidat à un deuxième mandat, l'enjeu dépasse son maintien à la tête d'Istanbul : s'il gagne à nouveau, il imposera son statut de présidentiable au scrutin de 2028. Comme beaucoup de partisans d'Ekrem Imamoglu, Ayça, 62 ans, voit loin pour le maire actuel d'Istanbul : « Il sera président, c'est certain. Un très bon président, notre deuxième Atatürk, un leader pour son peuple, pour tout le peuple turc. »

Il représente cette opposition à Erdogan. Les citoyens turcs perçoivent bien en lui le seul capable de battre Erdogan dans d'autres échéances électorales.

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Didier Billion (directeur adjoint de l'Iris) sur la popularité d'Ekrem Imamoglu

Daniel Vallot

Mais le CHP social-démocrate est aussi en pleine crise interne. Ses plus fidèles soutiens prétendent donc que s'il gagne, il devra sa victoire uniquement à sa popularité parmi les électeurs de toute l'opposition – puisque les seules voix de son parti ne suffiront pas à le faire élire. Le journaliste politique Kemal Can estime cette prétention « risquée ».

« Au sein de l'opposition, il y a depuis longtemps la quête d'une figure au-dessus des partis, capable de nouer un lien direct avec les électeurs. Quand Imamoglu a gagné en 2019, beaucoup se sont dit : "On a trouvé ! C'est lui !", rappelle la journaliste. J'y vois au moins deux risques : s'il perd, les mêmes vont se dire : "Donc en fait, ce n'était pas lui !". Et s'il gagne, mettre ainsi en avant sa force propre – qui est une forme de solitude – risque de pousser les groupes qui l'ont soutenu à s'éloigner de lui. Les gens vont se dire : "Il a gagné tout seul, il n'a pas besoin de nous"... »

Au delà d'Ekrem Imamoglu, la perte d'Istanbul serait un coup très dur pour toute l'opposition, qui n'a pas encore digéré le choc de la défaite à la présidentielle de 2023. « Non seulement il y a un enjeu concret pour des raisons politiques, symboliques et économiques. Mais il faut bien comprendre que c'est un enjeu aussi en perspective, c'est-à-dire que du vainqueur issu de ce scrutin électoral municipal dépendra en partie la configuration du paysage politique de la Turquie dans les années à venir », conclut Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

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