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« Fugitive parce que reine » : Violaine Huisman rend son humanité à sa mère

Avec ce bouleversant premier roman autobiographique, l’écrivaine rend un juste hommage à une femme excessive en tout.

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Publié le 25 janvier 2018 à 07h30, modifié le 06 février 2024 à 16h42

Temps de Lecture 3 min.

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Fugitive parce que reine, de Violaine Huisman, Gallimard, 256 p., 19 €.

L’écrivaine Violaine Huisman, en 2017.

A la chute du mur de ­Berlin, à laquelle elle assiste devant un poste de télévision, le 9 novembre 1989, la petite fille âgée de 10 ans ne comprend pas grand-chose, « malgré les efforts de pédagogie du speaker ». Au même moment, une autre chute la laisse interdite : celle de sa mère, qu’elle avait jusque-là admirée « avec un ravissement ébloui », et qui a sombré au point de devoir être internée de force. L’enfant peut d’autant moins saisir ce qui lui arrive que la seule explication livrée par les adultes est une locution mystérieuse, qui lui restera en tête « tout attachée » : « Ta-mère-est-maniaco-dépressive. » Fugitive parce que reine, le premier roman de Violaine Huisman, détache les mots, déplie les phrases et les souvenirs, les faits et les mythes familiaux, pour comprendre le mal qui rongea sa mère et faire de cette femme excessive en tout, splendide et pathétique, morte il y a quelques années ­ – vingt après la chute du mur de Berlin – un portrait bouleversant, terriblement vivant.

Une langue à la fougue sombre et sans pathos

Un portrait, surtout, à la constante recherche de la justesse, dans l’écriture et dans le regard. La première partie, qui s’ouvre sur un incipit long de vingt-huit lignes, centré sur cette chute du mur de Berlin survenue en plein désastre personnel, est consacrée aux souvenirs de Violaine Huisman. Employant une langue à la fougue sombre et sans pathos, non dénuée d’humour, attachée à ne surtout pas se plaindre, elle y évoque son enfance et son adolescence auprès de cette mère qui lui inspirait émerveillement, pitié, tendresse, dégoût ou crainte, mais un amour infini.

Elle raconte les moments de gaieté et puis l’hébétement où la plongent, après son internement, les médicaments ; elle décrit la cigarette en permanence au bout des doigts (vitres fermées en voiture), les hurlements de colère et les fous rires, la « férocité » et la « vénération » (rien entre les deux) avec lesquelles elle pouvait traiter ses deux filles. Le devoir, pour ces dernières, d’être « les plus belles, les plus intelligentes, les plus dévouées, les plus drôles, les plus discrètes, les plus indépendantes, les plus raisonnables, les plus à l’écoute, les plus parfaites en toutes circonstances », pour que leur mère n’ait à se préoccuper que de sa propre survie et que leur père, homme requis par ses affaires et ses amours, passant tous les soirs dans l’appartement bourgeois qu’il louait pour son ex-femme et leurs filles, ne s’inquiète pas. Elle fait la liste des pathologies de « maman » (« schizophrène, mythomane, kleptomane, alcoolique, tour à tour neurasthénique et hystérique »), mais refuse de l’y cantonner. Elle cite les expressions figées répétées à l’envi par cette femme qui ressassait son histoire et finit par la raconter dans un livre, publié à compte d’auteure, intitulé Saxifrage (Séguier, 1993).

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